Conjointes en politique : de conseillères officieuses à « armes secrètes »

La conjointe d'un homme politique est généralement considérée comme un atout, rappelant aux électeurs l'humanité de celui-ci. La preuve? Si les politiciens sont très visibles, lors des campagnes électorales, leurs familles le sont presque autant.

Qu'il s'agisse de frapper aux portes ou d'agir comme conseillère officieuse, le rôle de la conjointe pendant une campagne électorale fédérale est varié. Bien qu'elles n'exercent aucune fonction officielle, on les voit souvent aux côtés de leur partenaire lors d'événements, lui apportant un soutien moral dans les moments les plus difficiles, voire faisant campagne elles-mêmes – parfois avec leurs enfants.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau et Sophie Grégoire Trudeau ont annoncé qu'après 18 ans de mariage, ils avaient décidé de se séparer.

Comme toujours, nous restons une famille proche avec un amour profond l'un pour l'autre, et pour tout ce que nous avons bâti et continuerons à bâtir.

La nouvelle a fait la une des journaux du monde entier et suscité des questions sur l'impact que cette séparation pourrait avoir sur la vie politique du premier ministre, notamment lors de la prochaine campagne électorale fédérale.

L'épouse politique, créatrice d'image

Sophie Grégoire Trudeau a été particulièrement visible pendant toutes les campagnes électorales de Justin Trudeau. Elle l'a présenté lors d'événements, s'est mêlée aux électeurs, a rallié des bénévoles et s'est adressée aux médias.

Dans une entrevue accordée à CBC News pendant la campagne électorale fédérale de 2019, Sophie Grégoire avait déclaré qu'elle ne considérait pas le rôle d'épouse politique comme un simple prolongement du travail de son mari. Je n'ai jamais l'impression de jouer un rôle ou de remplir un rôle en tant que ''femme de'', et mon mari sait que ce n'est pas le cas, avait-elle déclaré.

Mme Grégoire est devenue une personnalité publique à part entière, défendant des causes qui lui tiennent à cœur, comme la santé mentale et l'égalité des sexes.

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Selon la codirectrice du Consortium sur la démocratie électorale, Laura Stephenson, également professeure de science politique à l'université Western, les rôles assumés par les conjoints politiques au cours d'une campagne électorale sont en grande partie le fruit de leurs propres choix. Nous n'engageons pas la famille, nous n'engageons pas les conjoints, souligne-t-elle.

Ce qui se passe souvent en politique, selon Laura Stephenson, c'est que les hommes politiques reconnaissent que leur vie de famille peut, dans une certaine mesure, envoyer des messages aux électeurs.

Le fait d'avoir sa famille avec soi permet de montrer que l'on est soutenu, que l'on a des gens autour de soi qui pensent que l'on est quelqu'un de bien.

Ce type de conservation de l'image peut s'avérer délicat, en particulier pour les femmes politiques qui peuvent être confrontées à des difficultés liées aux attentes stéréotypées qui leur sont adressées en raison de leur sexe.

Une femme célibataire sans enfant qui se présente à une élection peut susciter des dissonances chez les électeurs parce qu'elle n'entre pas dans certaines cases, quelles que soient ses compétences en tant que politicienne, souligne la professeure de science politique.

S'impliquer dans la campagne électorale

Pendant la campagne électorale fédérale de 2015, Laureen Harper, l'épouse de l'ancien premier ministre Stephen Harper, a été particulièrement visible, à la fois avec son mari et seule.

Quelques jours seulement après le lancement de la campagne, elle a rendu visite à une demi-douzaine de candidats conservateurs dans leurs bureaux de campagne, dans des circonscriptions que le parti devait conquérir, notamment dans la région du Grand Toronto.

Elle s'est entre autres arrêtée au bureau de l'ancien député conservateur de Richmond Hill, Costas Menegakis, le 5 octobre 2015. Plus tard dans la journée, elle a visité le bureau de l'ancienne députée conservatrice de Mississauga-Sud, Stella Ambler.

À l'époque, Mme Ambler présente Laureen à son équipe de bénévoles comme l'arme secrète de Stephen Harper.

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Le Parti conservateur était censé connaître le pouvoir de Laureen lors de la campagne électorale. L'année précédant le déclenchement des élections, une note de service du parti conservateur, divulguée au Toronto Star et rapportée par CBC News, définissait la stratégie du parti pour 2015, qui incluait l'objectif de tirer parti de la popularité de Laureen Harper.

Selon Laura Stephenson, dans une relation en dehors de l'œil du public, lorsqu'un conjoint assume des rôles en dehors de sa soi-disant description de poste, ce n'est généralement rien d'autre qu'un soutien de sa part.

Dans une relation politique, cependant, la différence est que l'un des membres essaie de gagner des votes du public. Tout est un choix, dit-elle.

Ces choix incluent le fait qu'un politicien emmène ou non ses enfants avec lui sur le chemin de la campagne.

Ben et Rachel, les enfants des Harper, ont souvent été vus lors de la campagne électorale du Parti conservateur en 2015. Les deux jeunes ont occupé le devant de la scène avec leurs parents, à la fois devant les caméras et dans les coulisses. Ben a participé à la préparation de son père pour le premier débat des chefs en 2015 et Rachel a rendu visite à des bénévoles dans des bureaux de campagne avec sa mère.

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Les trois enfants des Trudeau ne sont pas non plus étrangers aux feux de la rampe.

Tout au long de leur vie, ils sont apparus avec leurs parents lors d'innombrables événements, de la fête du Canada à la soirée électorale.

Toutefois, nous ne savons pas dans quelle mesure les enfants ont leur mot à dire lorsqu'ils participent à ces événements, explique Laura Stephenson.

S'il est important de ne jamais juger si les membres d'une famille veulent ou non s'impliquer dans la vie politique de leur conjoint ou de leurs parents, Mme Stephenson estime qu'il faut reconnaître qu'il s'agit souvent d'un choix stratégique de la part de l'homme ou de la femme politique.

Et les partis d'opposition?

Les conjointes des chefs actuels de l'opposition ont plus récemment accédé à la notoriété et sont souvent vues avec leur partenaire lors d'événements politiques et sociaux.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a eu une vie personnelle particulièrement privée, ne confirmant ni ne niant qu'il était même en couple, avant d'inviter plusieurs membres des médias à assister à sa demande en mariage à son épouse actuelle, Gurkiran Kaur.

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Les deux sont souvent vus ensemble, Gurkiran Kaur jouant un rôle de premier plan dans la carrière politique de Jagmeet  Singh, à la fois en personne et sur les médias sociaux.

Dans une interview accordée à CBC News pendant la campagne électorale fédérale de 2019, Gurkiran Kaur a déclaré qu'elle avait tellement de plaisir à participer au recrutement de bénévoles et à faire du porte-à-porte dans la circonscription de son mari, Burnaby South.

J'aime l'énergie. J'aime la famille que l'on crée dans une campagne électorale, a-t-elle déclaré à CBC News. Pour moi, c'est toujours la partie la plus gratifiante. Cela a été une bonne expérience.

Anaida Poilievre, l'épouse du chef conservateur Pierre Poilievre, n'a pas encore fait l'expérience d'une campagne électorale fédérale, mais elle a souvent accompagné son mari lorsqu'il était chef de l'opposition.

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Il reste à voir si M. Singh et M. Poilievre décideront d'accorder plus d'importance à leurs épouses lors de la prochaine campagne électorale fédérale.

Et si le fait d'accorder une place prépondérante à son conjoint dans sa campagne vise à soigner l'image parfaite, qu'est-ce que cela signifiera pour le premier ministre?

Laura Stephenson espère que cet aspect de la vie de M. Trudeau restera une affaire privée, qui ne sera pas abordée par d'autres hommes politiques ou leurs partisans.

Si M. Trudeau est toujours performant en tant que premier ministre et souhaite continuer à l'être, nous devrions le juger sur ses performances en tant que premier ministre, estime-t-elle.

De son côté, Jordan Leichnitz, responsable du programme canadien de la Fondation Friedrich Ebert, sur les ondes de CBC mercredi, a suggéré que la séparation du premier ministre va l'humaniser.

Je pense que, pour beaucoup de Canadiens qui se sont peut-être détournés de la politique, en particulier pendant l'été, c'est quelque chose qui va les toucher et je pense que le premier ministre va se montrer sous un jour potentiellement empathique, estime Jordan Leichnitz.

Avec les informations de Jessica Mundie, CBC News