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Des solutions locales pour réduire l’empreinte carbone du béton

Des recherches en cours révèlent que le sous-sol québécois offre des ressources intéressantes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) du matériau de construction le plus utilisé dans le monde.

Némaska Lithium.

À gauche sur la photo, une dalle de béton contenant 25 % d'aluminosilicates et, à droite, une dalle de béton traditionnelle.

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

C'est l'effervescence sur le chantier de Nemaska Lithium à Bécancour, dans le Centre-du-Québec. L'usine de transformation commence à prendre forme. À terme, elle doit produire annuellement 34 000 tonnes d'hydroxyde de lithium.

Cependant, une infime quantité du minerai va servir à fabriquer des batteries pour véhicules électriques. Il restera donc des montagnes de résidus, et l'entreprise espère bien en valoriser une bonne partie.

Un projet pilote est en cours dans le but de commercialiser du béton fabriqué avec des résidus d’aluminosilicates produits sur place et qui ont des propriétés pouzzolaniques. C'est une poudre qui a des propriétés de liant et c'est la raison pour laquelle on peut l'utiliser pour remplacer le ciment, explique Dan Fournier, le chef de la valorisation des sous-produits.

Avec le concours d’une entreprise locale, Nemaska Lithium a fabriqué un béton expérimental, dont les éléments principaux sont les aluminosilicates et du calcaire calciné (clinker). Cette recette contient 25 % d'aluminosilicates, ce qui permet de réduire considérablement la proportion de clinker qui compose en général près de 80 % du ciment standard en Amérique du Nord (le ciment Portland).

Le but de Nemaska Lithium, c'est de créer une économie circulaire.

Une citation de Dan Fournier, chef de la valorisation des sous-produits chez Nemaska Lithium

La fabrication du clinker entraîne d’importantes émissions de GES. Pour une tonne de produit fini, il faut compter environ une tonne de gaz carbonique qui s’échappe dans l’atmosphère.

En utilisant ces résidus miniers, la facture carbone tendrait donc à diminuer. L’usine a la capacité de produire 220 000 tonnes par année d'aluminosilicates exploitables pour fabriquer du ciment.

Selon Nemaska Lithium, en utilisant cette ressource, on pourrait réduire d’environ 200 000 tonnes les émissions de CO2 par rapport à la recette du ciment Portland.

Il reste maintenant à prouver que ce nouveau produit rivalise de qualité avec ses concurrents déjà sur le marché.

Pour cela, deux dalles témoins ont été coulées au mois de novembre dernier; l’une avec du béton traditionnel, l’autre avec le béton expérimental. Elles sont exposées au va-et-vient des camions de chantier ainsi qu’à de l’épandage d’abrasifs.

Dan Fournier, Nemaska Lithium.

Dan Fournier, chef de la valorisation des sous-produits, Nemaska Lithium

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

Des volumes intéressants

Nemaska Lithium est accompagnée dans cette aventure par le Centre de recherche sur les infrastructures en béton de l’Université de Sherbrooke, qui évalue la durabilité de ce nouveau mélange.

Des essais ont déjà été faits par nos collègues du Conseil national de la recherche. On fait actuellement des essais à plus grande échelle et ça fonctionne très bien, assure le directeur du laboratoire, le professeur Arezki Tagnit-Hamou.

Fort d’une solide expertise en la matière, il collabore avec l'industrie, le gouvernement du Québec et d’autres chercheurs pour explorer des options de ciment bas en carbone.

Université de Sherbrooke.

Le Programme de déclaration des gaz à effet de serre du Canada a répertorié 11,2 mégatonnes de CO2 en 2019 pour l’industrie de la fabrication du ciment.

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

La piste des résidus miniers lui semble prometteuse, d’autant que les projets d’exploitation de matériaux critiques tendent à se multiplier. À terme, il anticipe des volumes intéressants, ce qui demeure la condition sine qua non pour l’adoption de nouveaux matériaux.

Pour compléter l’offre, il teste une autre avenue à Val-des-Sources, en Estrie. Les résidus de la mine d'amiante Jeffrey contiennent de la silice avec des propriétés pouzzolaniques.

Il y a environ 800 millions de tonnes de matière, dont une partie pourrait être utilisée pour fabriquer du ciment. Il faudrait cependant effectuer un traitement, notamment pour éliminer les éventuelles traces d'amiante. Un projet d’envergure dont les contours doivent encore être précisés.

Les argiles calcinées

Le professeur Tagnit-Hamou a identifié une autre avenue, celle des argiles calcinées qui peuvent également remplacer, en partie, le calcaire calciné.

Arezki Tagnit-Hamou, Université de Sherbrooke

Le professeur Arezki Tagnit-Hamou, directeur du Centre de Recherche sur les Infrastructures en Béton de l’Université de Sherbrooke.

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

Le calcaire doit être chauffé à plus de 1400 degrés Celsius pour devenir réactif, tandis que l’argile doit être chauffée seulement à près de 750 degrés. Cela permet une économie de combustibles fossiles, les plus utilisés étant le pétrole ou le charbon.

Mais, surtout, l’argile n’émet pas de C02 lorsqu’elle est chauffée à haute température. Pour une tonne de calcaire calciné, il faut compter des émissions d’environ 800 kilogrammes de gaz carbonique.

M. Tagnit-Hamou conseille l’entreprise Clayson Écominéral, qui a comme projet d'ouvrir une carrière d'argile en Gaspésie, dans le secteur de Matane.

Son président fondateur, Joël Fournier, assure que les argiles calcinées peuvent entrer dans la composition du ciment jusqu'à hauteur de 40 %. Dans ce cas, dit-il, il est possible de réduire pratiquement de moitié les émissions de GES par rapport au ciment Portland.

Selon les estimations de M. Fournier, le gisement aurait la capacité de fournir un million de tonnes d’argile calcinée par année pendant plus de 100 ans.

Des volumes significatifs dans la mesure où l'Association canadienne du ciment a calculé que la production totale de clinker s’est élevée à 11,4 millions de tonnes au pays en 2020.

Joël Fournier, Clayson Écominéral.

Joël Fournier veut ouvrir une carrière d'argile en Gaspésie

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

Joël Fournier estime que les coûts de production seraient compétitifs dès la mise en marché. Il en veut pour preuve que cette ressource est déjà utilisée dans de nombreux pays en Europe, en Chine, en Inde et à Cuba.

Il est actuellement en discussion avec plusieurs acteurs de l'industrie. Deux options s’offrent à lui. Soit vendre l’argile directement aux cimenteries qui se chargeraient de la transformer. Soit faire construire une usine sur place, un projet évalué à 150 millions de dollars et qui pourrait poser des questions d’acceptabilité sociale.

Si tout va bien, il juge que la production pourrait commencer d’ici un an.

L'encadrement des innovations

Quoi qu’il arrive, la plupart des innovations vont devoir être examinées par les institutions gouvernementales. Elles doivent s’assurer de la conformité des produits en testant leur résistance et leur durabilité. Il faut aussi mesurer les éventuels risques pour la santé et l'environnement.

Des étapes qui ont tendance à s'étirer dans le temps, selon le professeur Arezki Tagnit-Hamou, échaudé par ses expériences précédentes. Il a par exemple piloté une méthode d’intégration dans le ciment de poudre de verre obtenue à partir de bouteilles recyclées. Il s’est écoulé plus d'une décennie entre les premières expérimentations, en 2004, et l’adoption des normes.

C'est là où le bât blesse, dit-il. C'est vraiment un trop long chemin. Il faut travailler pour accélérer l’adoption des normes.

Il encourage aussi les représentants de l'industrie, parfois frileux, à se montrer ouverts aux nouvelles pratiques, ainsi que les ministères et les municipalités à soutenir les entreprises en achetant du béton bas en carbone.

Au rythme actuel, le professeur Tagnit-Hamou pense que les changements de pratiques ne sont pas assez rapides pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

D’un autre côté, la précipitation n’est pas toujours bien accueillie, comme on a pu le voir dans le dossier Northvolt.

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