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AnalyseComment mesurer la productivité des médecins de famille?

Une femme assise sur la table d'examen attend un médecin.

Dans sa plateforme électorale de 2018, la CAQ affirmait que la révision de la rémunération des médecins assurerait à tous les Québécois une véritable prise en charge. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Grandbrothers

« À quoi sert d’avoir un médecin de famille s’il est impossible de le consulter lorsqu’on est malade? » La question n’a pas été posée par un député d’opposition ces derniers jours. Elle émane plutôt de la plateforme électorale rendue publique par la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018, toujours disponible en ligne.

Le document précisait ensuite : En revoyant le mode de rémunération des médecins, la CAQ assurera à tous les Québécois non seulement d’avoir un médecin de famille, mais aussi de pouvoir bénéficier d’une véritable prise en charge.

Cinq ans et demi plus tard, on attend encore les résultats promis.

Revoir le mode de rémunération aurait-il l’effet structurant que la CAQ avait fait miroiter? Comment mesurerait-on les résultats? Les avis sont partagés au sein de la profession médicale et parmi les gouvernements.

Ces dernières années, l’Ontario s’est éloigné de la rémunération basée sur le nombre d’actes effectués pour tenir compte du nombre de patients pris en charge, avec des résultats mitigés. Il est vrai qu’aucun modèle n’est parfait. Si la rémunération à l’acte favorise le volume, elle incite aussi à la productivité.

Gestion des incendies

Depuis le début des années 2000, on négocie la rémunération médicale essentiellement en essayant d’éteindre les feux actifs qui causent les plus grands dommages.

Les urgences débordent? On signe une nouvelle lettre d’entente pour tenter d’y attirer les médecins de famille. Les patients orphelins peinent à obtenir un rendez-vous? On crée une nouvelle prime pour favoriser leur prise en charge. Recruter des médecins en CHSLD devient, semble-t-il, de plus en plus difficile? Parions qu’on signera bientôt une nouvelle lettre d’entente pour tenter de régler le problème.

Il s’agit, dans tous les cas, de mesures incitatives, les représentants des médecins étant très réticents à ce que leurs membres se voient imposer de nouvelles obligations.

Le problème, c’est qu’il est très difficile pour les citoyens de savoir si ces mesures incitatives donnent les résultats attendus. Une fois adoptées, elles tendent à se pérenniser.

Dans un rapport sur la rémunération médicale publié en 2015, la vérificatrice générale recommandait de déterminer des cibles et des indicateurs pour l’ensemble des mesures incitatives, faire un suivi rigoureux de ceux-ci et entreprendre des actions correctives lorsque les résultats ne montrent pas l’atteinte de la prestation de services attendue.

Près de 10 ans plus tard, on se demande encore si le ministère de la Santé a vraiment fait le travail. Un nouveau rapport de la vérificatrice générale nous aiderait sans doute à y voir clair.

Comme les médecins sont des travailleurs autonomes, la rémunération est un des rares leviers dont dispose le gouvernement pour induire des changements de comportement. Encore faut-il qu’il s’assure que ce soit bien le cas.

Friand d’indicateurs et de tableaux de bord, le ministre Christian Dubé veut s’assurer que la lettre d’entente qu’il a lui-même signée, au sujet de la prise en charge des patients orphelins, produise les effets escomptés.

En entrevue à Midi info la semaine dernière, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a soutenu que le nombre de rendez-vous offerts avait augmenté depuis son entrée en vigueur. Le ministre n’a toutefois pas encore accès à l’information qui lui permettrait d’en avoir l’assurance, même si une loi lui permettant d’obtenir ces données a été sanctionnée il y aura bientôt deux ans.

Encore faut-il choisir les bons indicateurs. On a relevé dans l’espace public, ces derniers jours, le fait qu’une bonne partie des patients pris en charge grâce à la nouvelle prime n’avaient jamais vus de médecin, mais l’entente visait précisément à laisser d’autres professionnels assurer le suivi. Les bons services offerts au bon moment et par le bon professionnel, a souvent répété le ministre.

Effets pervers

À la difficulté de savoir si les mesures incitatives ont les effets bénéfiques qu’on leur prête s’ajoute la difficulté de savoir si elles ont des effets pervers. En rendant certaines catégories de patients ou certains types de rendez-vous plus payants que d’autres, des médecins peuvent choisir de réorganiser leur pratique.

Or, si des médecins de famille prennent en charge plus de patients orphelins, mais qu'ils délaissent leur propre clientèle, la collectivité n’en sort pas avancée. L’objectif demeure d’augmenter la prise en charge globale, dans le contexte où la population vieillit et où les médecins de famille maintiennent être trop peu nombreux pour effectuer tout le travail qu’on leur demande.

Alors que s'amorce la renégociation de l’accord-cadre avec les médecins, la question n’est pas tant de savoir si de nouvelles mesures incitatives devraient être mises en place, mais si celles qui existent déjà donnent les résultats escomptés. Il s’agit surtout de ne pas perdre de vue l’ensemble des besoins et de s’assurer qu’on ne déshabille pas Pierre pour habiller Paul.

En d’autres mots, c’est la productivité et le volume total qui comptent.

Déjà, en 2015, la vérificatrice générale concluait que l’absence de stratégie globale réduit la capacité du ministère de la Santé et des Services sociaux à porter un jugement sur l’efficacité de chacune des mesures et à s’assurer qu’elles ont l’impact souhaité sur le changement de comportement des médecins.

Ce constat semble tout aussi valable en 2024.

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