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Paraplégique et évincé : il craint de se retrouver à la rue

Un homme en fauteuil roulant dans son salon.

Il y a 10 ans, Alain Dallaire a été victime d'un accident de tracteur. Depuis, il est paraplégique et doit se déplacer en fauteuil roulant.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

« Si j’avais mes jambes, c’est sûr que ce serait moins dur de trouver un logement! » Alain Dallaire a été expulsé de son appartement adapté de Richmond où il vivait depuis 10 ans. Depuis des mois, rongé par l'angoisse, l'homme paraplégique cherche un autre endroit où vivre, en vain. Une lueur d’espoir apparaît toutefois au loin : Québec promet de modifier le Code de construction pour augmenter le nombre de logements accessibles aux personnes handicapées.

Comme l'appartement qu'il cherche doit être accessible à son fauteuil roulant, cela réduit grandement les possibilités qui sont déjà minimes en pleine crise du logement. Crise qui sévit même dans les plus petites localités.

C’est stressant, ça vient te chercher. Il n’y a rien, absolument rien.

Une citation de Alain Dallaire

Si Alain Dallaire doit déménager, ce n’est pas par choix, mais parce que le nouveau propriétaire de son appartement l’oblige à partir : il l’évince afin d’y loger son père. Une situation tout à fait légale, mais qui amène tout de même son lot de stress.

À travers tout ça, il y a la santé de l'homme de 63 ans qui se dégrade. À tel point que ses proches s’inquiètent. La tête va avec le corps, laisse-t-il tomber.

J'ai vécu bien des situations dures dans ma vie, mais celle-là est dure à battre.

Une citation de Alain Dallaire

Des milliers de dollars de travaux perdus

Alain Dallaire ne peut d’ailleurs s’empêcher de trouver qu’il n’est pas le seul perdant dans cette situation. La société aussi perd au change, analyse-t-il. L’État a dépensé plusieurs milliers de dollars pour adapter l’appartement à ses besoins. Dispositif de levage sur rail, douche adaptée, évier accessible; tout y est. Des équipements qui ne serviront plus à son départ.

Une douche adaptée avec une chaise roulante

Entre autres adaptations dans le logement d'Alain Dallaire, on retrouve une douche qui lui permet de se laver avec un fauteuil roulant.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Ce milieu de vie, qu'il chérit, ne lui permettait pas seulement de survivre, mais aussi de vivre ses passions. Dans sa modeste cour avant, asphaltée pour faciliter ses déplacements, il a réussi à installer un atelier de restauration de tracteurs antiques.

Un homme en fauteuil roulant qui répare un tracteur orange.

C'est un accident de tracteur qui a cloué Allain Dallaire sur un fauteuil roulant. Depuis, il s'est développé une véritable passion pour la restauration de tracteurs antiques.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Cette passion est presque devenue une attraction touristique dans le quartier, dit-il fièrement. C’est aussi ce qui lui permet de prendre l’air, mais surtout qui lui donne des moments d'évasion où les bobos physiques et le stress du futur prennent congé. Je suis 6 mois encabané dans la maison l’hiver à regarder la télé. Au mois de mars, je commence à taponner dehors, explique-t-il. J’étais cultivateur avant, c’est pour cela que j’aime les tracteurs.

Les tracteurs, c'est devenu un peu ma thérapie de vie.

Une citation de Alain Dallaire

Quitter cet endroit et son cercle d’amis qui demeurent tout près amènera visiblement un grand deuil pour lui. Alain Dallaire ne se fait pas d’illusion : il sera sans doute forcé de déménager dans une autre ville pour trouver un logement ou une maison à louer qui peut accueillir son fauteuil roulant. C’est triste parce que mes amis sont tous ici. Ce sont de bonnes personnes, raconte-t-il, accablé.

Chaque année, c’est de pire en pire!

La crise du logement n’épargne pas les petites villes comme Richmond, rappelle la directrice générale de l’Office municipal d’habitation du Val-Saint-François, Nathalie Ramonda. On la ressent à 100 %. On dirait que chaque année, c’est de pire en pire, s’exclame-t-elle, stupéfaite.

Une dame dans son bureau

Depuis un peu plus de deux ans, la directrice générale Office municipal d’habitation du Val-Saint-François, Nathalie Ramonda, soutient voir de plus en plus de personnes itinérantes dans la région. Chose qu'elle ne voyait jamais par le passé.

Photo : Radio-Canada

Les évictions seraient maintenant courantes, selon Mme Ramonda, qui constate aussi un nombre croissant de personnes en situation d’itinérance dans la MRC. Il y a quatre ans, on n’en avait jamais. Depuis deux ans et demi, on commence à en voir de plus en plus, souligne-t-elle.

Je vois le nombre de demandes qui explosent [pour un loyer modique] et le nombre de personnes qui se retrouvent en itinérance est aussi en augmentation.

Une citation de Nathalie Ramonda, directrice générale, Office municipal d’habitation du Val-Saint-François.

La MRC du Val-Saint-François, en collaboration avec la MRC des Sources, a d’ailleurs récemment lancé un service d’aide à la recherche sur le logement pour tenter de venir en aide à la population. Une chose qui était très attendue dans le secteur.

Une femme habillée en blanc dans une chaise.

« En 1970, on a gagné notre première bataille à l'effet que les personnes handicapées avaient le droit de vivre en appartement. Avant, ils allaient à D'Youville [un CHSLD]. Aujourd'hui, on voit le recul. Les gens nous appellent en pleurs [parce qu'ils n'ont pas de place où aller] », déplore la directrice générale de Promotion handicap Estrie, Line Lecours.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

En CHSLD, faute de logement

La directrice générale de Promotion Handicap Estrie, Line Lecours, affirme qu’il n’est pas rare que des personnes en situation de handicap se retrouvent en CHSLD, faute de logement abordable et adapté disponible. À 20 ans, ils se ramassent dans des soins longue durée avec des personnes aînées, explique-t-elle, visiblement choquée par la situation.

Une situation qui la replonge dans le contexte qui prévalait dans les années 1970, dit-elle. On voit le recul. On commence à avoir des personnes en situation de handicap en situation d’itinérance, se désole Mme Lecours.

C’est frappant de voir que le défi [pour les personnes en situation de handicap] est double en cette situation de crise du logement.

Une citation de Line Lecours, directrice générale, Promotion Handicap Estrie

Des listes interminables

La longueur des listes d’attente pour des logements accessibles démontre la rareté persistante des logements accessibles. En 2017, on évaluait que 70 000 personnes attendaient pour un tel appartement. Par exemple, on a eu une personne qui a été sur une liste d’attente à Sherbrooke pendant deux ans. Il est décédé, puis elle n’avait toujours pas de logement, s’indigne la directrice.

Le CIUSSS de l’Estrie-CHUS ne détient pas de données sur le nombre de personnes en situation de handicap à la recherche d’un logement qui bénéficie de leurs services. L’organisation indique toutefois que les équipes de soutien psychosocial à domicile en déficience physique ont accompagné 1635 usagers en 2023-2024.

De l’aide d’urgence et des changements structurels réclamés

Line Lecours croit que le gouvernement devrait faire plus et augmenter l'aide financière destinée aux personnes à mobilité réduite pour leur permettre d’accéder à des logements plus dispendieux.

Elle réclame aussi, depuis longtemps, que l’État oblige les propriétaires à rendre leurs nouvelles constructions, même celles de moins de huit logements, minimalement accessibles. Il faut que ce soit obligatoire que le rez-de-chaussée soit accessible. Ça voudrait dire qu’on se ramasserait avec une banque de logements accessibles à tous, souligne la directrice de Promotion Handicap Estrie.

La campagne C’est aussi ça, le logement accessible universellement réclame d’ailleurs un changement dans le Code de construction du Québec.

Québec va agir

En entrevue à Radio-Canada mercredi, le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, qui a la responsabilité de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), s’est engagé à déposer une réglementation pour un nouveau Code de construction. Dans les prochains mois, ce projet de nouveau Code de construction sera soumis et présenté, a-t-il souligné.

Jean Boulet sourit à pleines dents à la caméra.

Le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, promet d'agir rapidement dans le dossier et demandera que soit revu le Code de construction du Québec.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Cotnoir

Les modifications permettront d’améliorer l’accès des personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap aux immeubles, particulièrement au rez-de-chaussée , explique-t-il.

Un geste qui était attendu depuis des années par des organismes de défense des personnes en situation de handicap.

C’est une problématique qui est importante, qui nous interpelle et on a l’intention d’y donner suite.

Une citation de Jean Boulet, ministre du Travail du Québec

Ces modifications découlent d’une vaste consultation et d’une réflexion qui s’est amorcée il y a plusieurs années. N’aurait-il pas fallu agir avant? Je pense que c’est un enjeu qui dure depuis trop longtemps, laisse tomber le ministre. Il faut régler cela le plus rapidement possible.

En attendant, Alain Dallaire cherche toujours un endroit où il pourra couler des jours tranquilles et réparer des tracteurs sans soucis. Il espère que sa prise de parole lui permettra de dénicher la perle rare.

Est-ce que je vais tomber itinérant? Est-ce que je vais me ramasser sur le trottoir avec mes affaires? Est-ce que je vais être obligé à coucher dehors avec mon lit?

Une citation de Alain Dallaire

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