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Campement propalestinien à McGill : la Cour supérieure rejette la demande d’injonction

Le campement vu de haut.

Des palettes en bois ont été installées dans le campement pour protéger les tentes de la boue et de la pluie.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

La Cour supérieure a rejeté mercredi la demande d’injonction déposée par deux étudiants de l'Université McGill, à Montréal, visant à limiter les manifestations propalestiniennes sur le campus et à forcer le démantèlement du campement en place depuis samedi en solidarité avec Gaza.

L'intervention des tribunaux est parfois susceptible d'être un remède pire que le mal auquel on cherche à remédier, indique la juge Chantal Masse dans son jugement. À ce stade-ci et à la lumière de la preuve au dossier actuellement, [...] il n'y a pas lieu pour l'instant d'intervenir en accordant les conclusions recherchées.

Les organisateurs du campement, qui regroupe plus de 50 tentes et des dizaines d’étudiants de différentes universités montréalaises, dont de nombreuses personnes de culture arabe ou de confession juive, se disent déterminés à rester sur le campus jusqu’à ce que leurs demandes soient entendues. Ils appellent leurs établissements à couper tout lien financier et scolaire avec Israël.

Les deux étudiants à l’origine de l’injonction, qui sont représentés par l’avocat Neil Oberman, accusent les principaux groupes responsables du campement de créer un climat agressif, haineux et violent sur le campus, affirmant ne pas se sentir à l’aise de se rendre à l’université et disant craindre pour leur sécurité.

Un jeune homme grimpant sur une palette en bois avec un sac de couchage et un tapis.

Un étudiant arrivant au campement avec un sac de couchage et un tapis.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Proche-Orient, l’éternel conflit

Consulter le dossier complet

Un panache de fumée s'élève à la suite d'une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le samedi 7 octobre 2023.

La demande d'injonction provisoire réclamait de la Cour qu'elle ordonne une zone réglementée empêchant cinq groupes propalestiniens de manifester à moins de 100 mètres de chaque bâtiment du campus du centre-ville de McGill pendant 10 jours.

Les demandeurs souhaitaient aussi que le tribunal autorise tout agent de la paix à arrêter et à expulser toute personne contrevenant aux ordres.

Lors des audiences devant la juge Masse, mardi, Me Sibel Ataogul, l’avocate qui représente l'Association des professeurs de droit et l’Association des étudiants de McGill, a pour sa part qualifié la demande d’injonction d’abusive, affirmant que les manifestants ne bloquaient pas les accès au campus.

Elle a rappelé que le campement compte un grand nombre d’étudiants de confession juive, accusant les plaignants de vouloir bâillonner toute dissension afin d’interdire les critiques envers l’État d’Israël.

Vue du campement.

Les étudiants propalestiniens appellent leurs universités à désinvestir des entreprises israéliennes qui profitent de la guerre dans la bande de Gaza, dont les producteurs d'armes.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

Pas de blocages

Dans sa décision, la juge Masse estime que les craintes exprimées par les demandeurs ne sont pas entièrement objectives.

Plusieurs situations décrites relèvent d'un amalgame de faits isolés ou même peu liés avec la situation actuelle qui prévaut sur le campus.

Une citation de Extrait du jugement de la Cour supérieure

Les slogans qui pourraient être interprétés comme des appels à la violence sont certes troublants, indique encore la juge. Il demeure pour l'instant que les demandeurs eux-mêmes indiquent qu'il s'agit d'une interprétation de leur part et ne prétendent pas que cet appel à la violence les viserait personnellement, mais plutôt que cela affecte négativement l'ambiance sur le campus et ne favorise pas l'étude sur les lieux.

La juge affirme par ailleurs que rien à ce stade-ci n'indique que les manifestants ont l'intention de faire manquer des examens aux étudiants ou de bloquer leur accès aux édifices de l'Université McGill et les priver de passer leurs examens.

La Cour invite enfin les manifestants à revoir les mots utilisés lors des manifestations et à se dispenser d'utiliser ceux susceptibles d'être perçus, à tort ou à raison, comme des appels à la violence ou comme des propos antisémites.

Un manifestant écrit « Magasinage gratuit » sur un panneau en bois.

Les manifestants dans le campement ont reçu des denrées en donation qu'ils redistribuent gratuitement aux membres de la communauté. Ici, un manifestant écrit « Magasinage gratuit » sur un panneau en bois.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Les manifestants « reconnaissants »

Ali, un porte-parole du campement, a dit que les groupes d'étudiants propalestiniens sont « reconnaissants » envers ce jugement.

Cette décision montre que nous ne sommes pas un campement hostile. Nous sommes ici uniquement pour réclamer un désinvestissement du génocide en cours à Gaza.

Une citation de Ali, porte-parole du campement

Me Neil Oberman, l’avocat des défenseurs, dit quant à lui respecter la décision de la juge, qui n’a pas été facile. Il rappelle que la demande d’injonction est préemptive [préventive, NDLR] afin d’éviter tout dérapage qui pourrait virer à la violence.

Il salue notamment le rappel à l’ordre de la juge aux manifestants quant au choix des mots.

Les mots comptent, a-t-il soutenu. Ce qu’on dit peut avoir un effet sur les gens et sur leur capacité à avoir une vie sereine, spécifiquement sur le campus.

Il a enfin affirmé qu’une nouvelle demande d’injonction provisoire pourrait être déposée au palais de justice de Montréal si la situation change.

Le reportage de Jean-Philippe Hughes.

McGill invite les manifestants au dialogue

Mardi, la direction de McGill a fait appel au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour démanteler le campement, accusant les étudiants propalestiniens d’avoir tenu des propos antisémites, mais sans donner plus de précisions sur ces allégations.

Dans sa décision, la juge Masse affirme que l'Université n'a fait appel à la police qu'en dernier recours, tout en reconnaissant que l'Université, contrairement aux prétentions des demandeurs, a été proactive, a appliqué le processus qu'elle a prévu, a tenté de négocier une entente pour un démantèlement progressif du campement.

Des manifestants au milieu de tentes.

Des manifestants de plusieurs universités montréalaises ont rejoint le campement à McGill.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Dans un message envoyé à la communauté de McGill, le président de l’Université, Deep Saini, a dit respecter le droit de protester des manifestants, mais personne, et encore moins les individus de l’extérieur de McGill, n’a le droit d’établir un campement sur le campus.

Le campement actuel comprend une variété de groupes sans association avec McGill. Cela ne peut être accepté et ne sera pas autorisé. Le campement doit donc être démantelé rapidement, ce qui n’est pas négociable.

Une citation de Deep Saini, président de l’Université McGill

Il affirme que la direction de l’Université tente de relancer les discussions avec les manifestants tout en continuant à collaborer avec la police.

M. Saini s’engage à tenir un forum avec les étudiants de McGill qui quittent définitivement le camp pour discuter de leurs demandes de manière pacifique, respectueuse et civilisée.

Les manifestants dénoncent notamment un investissement de l'Université McGill dans le fabricant d'armes américain Lockheed Martin. Selon les données publiques de l’Université, la valeur de cet investissement a été de près de 520 000 $ en 2023.

La police va agir « avec diligence »

Des banderoles peintes en rouge, noir, vert et blanc.

Si la police doit intervenir à McGill, comment s'y prendra-t-elle? Isabelle Richer reçoit Marcel Savard, ex-directeur général adjoint, Sûreté du Québec

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

En conférence de presse, la mairesse de Montréal Valérie Plante a affirmé faire entièrement confiance au SPVM, assurant qu’il va agir avec diligence et de façon respectueuse face aux manifestants non violents.

Il n’y aura pas de SWAT [Groupe tactique d'intervention] qui va débarquer face à des manifestants pacifistes.

Une citation de Valérie Plante, mairesse de Montréal

Contacté par Radio-Canada, le SPVM affirme de son côté qu’aucun incident n’a eu lieu sur le site du campement, tout en réitérant qu’il espère un dénouement pacifique de la crise.

Un relationniste de la police montréalaise indique que les manifestants ne commettent aucune infraction criminelle en campant sur le campus, qui est un terrain privé ouvert au public.

Pearl Eliadis, avocate et experte en droits de la personne qui enseigne à l'Université McGill, confirme elle aussi que le campement se trouve sur un site privé, mais rappelle que l’université est traditionnellement un lieu de protestation.

C’est un lieu où les gens peuvent exprimer différents points de vue et exercer leur droit à la réunion pacifique, selon la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, dit-elle.

Cette nouvelle peut être consultée en chinois (Nouvelle fenêtre) sur le site de RCI (Nouvelle fenêtre).

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