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Épinglé pour dopage, un paracycliste déplore l’inaction des fédérations

Il effectue un virage dans l'uniforme rouge et blanc canadien.

Tarek Dahab a commencé le paracyclisme en 2023 et ses traitements thérapeutiques contre les maux de tête en 2021.

Photo : Gracieuseté : Cyclisme Canada

Tarek Dahab a s'est joint à l’équipe nationale en octobre 2023. Une grande victoire pour l’ancien policier natif de Beloeil, qui avait été victime d’un grave accident de la route six ans auparavant. Il en est ressorti avec des vertèbres cassées et d’importants maux de tête, qu’il devait traiter avec de la testostérone. Cette testostérone a ensuite conduit à sa suspension pour dopage.

Le règlement est clair : la testostérone est proscrite par l’Agence mondiale antidopage (AMA). En toute transparence, l'étoile montante du paracyclisme canadien admet avoir participé à plusieurs compétitions de haut niveau, dont aux mondiaux à Glasgow l’année dernière, tout en ayant eu recours à ce produit, pour lequel il avait une ordonnance. Mais ce n’était pas un secret, la grande majorité de son entourage était au courant.

Quand tu fais du sport au niveau élite, tu as un encadrement incroyable : un nutritionniste, un entraîneur, un psychologue. Tout le monde le savait, j’ai avisé tout le monde dès mes premiers coups de pédales, affirme-t-il.

Mon entraîneur-chef, mon entraîneur adjoint, les physiothérapeutes, tout le monde savait. Je me suis rendu en Écosse, le médecin de l'équipe traînait une fiole de testostérone avec mon nom dessus.

Une citation de Tarek Dahab

Radio-Canada Sports a aussi pu consulter un courriel entre des membres de l’équipe nationale, qui indique qu'i a toujours été transparent quant à l’utilisation de ce médicament.

Vous avez vu?

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Un athlète peut avoir recours à certaines substances interdites à des fins médicales, à condition d'obtenir une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT). Dahab a transmis trois demandes au Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES), chaque fois refusées, mais il continuait de faire partie de l’équipe nationale malgré tout.

À la mi-novembre, il s'est préparé à quitter le pays pour Santiago, au Chili, afin de représenter le Canada aux Jeux parapanaméricains. Puis, il a reçu la visite de deux membres du CCES pour un test antidopage. Ses valises et son uniforme de l'équipe nationale, fraîchement arrivé, resteraient dans le portique.

Le 20 décembre, le verdict est tombé : une suspension de quatre ans. On lui a retiré son brevet, qu’il allait commencer à percevoir en janvier 2024, et son vélo d’entraînement.

La sanction est toutefois justifiée, indique le professeur David Pavot, titulaire à la Chaire de recherche sur l’antidopage dans le sport de l'Université de Sherbrooke. On est en présence d’un athlète qui a des obligations. Et même s’il est de bonne foi, ses autorisations à usage thérapeutique ont été refusées. Il aurait donc dû arrêter ses activités. Il n’a pas respecté les règles, et les règles sont hyper claires.

La testostérone est considérée comme un produit dopant et est interdite par l'AMA, qui la classe comme un stéroïde anabolisant androgène. Elle peut être utilisée pour augmenter la masse musculaire et la résistance à l'effort physique.

L’expert considère toutefois que les fédérations ont manqué à leur devoir en n’encadrant pas mieux leur athlète.

Je suis très surpris que ni la fédération québécoise ni la fédération canadienne n'aient été plus actives dans ce dossier. Grosso modo, on a un athlète de niveau élite, à qui on demande de se débrouiller tout seul.

Une citation de David Pavot, titulaire à la Chaire de recherche sur l’antidopage dans le sport

Les documents que j’avais à remplir étaient compliqués. J’en ai rempli des formulaires en 20 ans comme policier, jamais comme celui-ci, mentionne Tarek Dahab, qui regrette de ne pas avoir reçu des directives plus claires.

J’ai fait ce que je pensais bon, avec mon médecin de famille, avec un neurologue. On m’a demandé de soumettre un deuxième rapport médical émis par un endocrinologue, ce qui a été fait. À la troisième tentative, on m’a dit que l’échantillon d’urine prétestostérone n’était pas suffisant.

Il maintient aussi que ses bilans sanguins révélaient un taux de testostérone répondant au seuil habituel.

Des manquements à la fédération

Ils savaient qu’il avait des démarches en cours. Que ses premières demandes ont été refusées. Oui, c’est la responsabilité de l’athlète, mais elles [les fédérations] auraient dû l’aider. Il y a du monde là-bas qui dormait au gaz, croit David Pavot, qui est responsable du diplôme de deuxième cycle en gouvernance du sport et antidopage à l’Université de Sherbrooke.

L’arbitre qui a rendu la décision menant à la sanction, Me Patrice Brunet, critique aussi l’inaction des fédérations, tout en rappelant la responsabilité individuelle qui incombe à l’athlète.

Par contre, je me permets de m’interroger sur le caractère proactif de la FQSC et Cyclisme Canada de bien encadrer l’athlète dans ces circonstances, peut-on lire dans sa décision. Il s’agit de fédérations qui encadrent un sport malheureusement trop souvent identifié aux questions de dopage et dans ce contexte, on s’attendrait à un niveau de vigilance très élevé et une excellente connaissance des enjeux et procédures liées au dopage dans le sport.

Or, dans un contexte où l’athlète a fait preuve de transparence totale quant à sa prise de testostérone, il me semble hautement questionnable que l’athlète ait tout de même été invité à participer à des compétitions de haut niveau, en l’absence d’une AUT et en présence d’aveux de prise de testostérone, continue le juge.

Le directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes, Louis Barbeau, indique avoir reçu le 29 mars une correspondance de Tarek Dahab qui lui laissait croire que le dossier était réglé. Il m'a transmis un accusé de réception du CCES pour sa demande d'exemption médicale. Ça arrive assez fréquemment qu'on reçoit ce type de demande, pour des athlètes asthmatiques qui utilisent un certain produit par exemple.

Le DG n'a pas eu de nouvelles de la part du cycliste par la suite. À partir de ce moment-là, j'étais sous l'impression qu'il allait cesser d'utiliser le médicament en attendant une confirmation d'autorisation. Et que s'il compétitionnait, c'est qu'il l'avait reçue.

Dahab a seulement informé la Fédération canadienne de son refus. Je faisais partie du programme national. Je relevais d'eux. J'ai donc transmis les lettres de refus, les trois, à la Fédération canadienne.

Cyclisme Canada n’a pas voulu accorder d’entrevue à Radio-Canada Sports et a plutôt transmis une courte déclaration par courriel.

Cyclisme Canada ne prétend pas avoir une plus grande expertise que le CCES et s'en remettra toujours au CCES en matière d'antidopage, peut-on y lire. Nous présumons qu'un athlète qui consulte régulièrement le CCES, comme l'a fait M. Dahab, reçoit de bons conseils, et que le CCES nous informe de toute préoccupation importante afin que nous puissions agir en conséquence.

Est-ce que les fédérations auraient pu aider davantage Tarek Dahab? Louis Barbeau s'en remet d'abord à la responsabilité individuelle, qui incombe en premier à l'athlète. Je ne peux pas parler chez Cyclisme Canada, je ne suis pas là-bas, mais à la Fédération québécoise, on ne fait pas d'accompagnement individuel [pour les formulaires]. C'est à l'athlète de faire les démarches.

Un rêve brisé

L’affaire sera à nouveau entendue le mardi 16 avril dans une audience préliminaire. Cette fois-ci, c’est Cyclisme Canada qui a porté la décision en appel. Dans un document transmis au Centre de règlement des différends sportifs du Canada, la fédération avance que la suspension de l’athlète pourrait être réduite de quatre à un an en raison de différents facteurs atténuants.

Le processus pourrait s’étirer jusqu’à la fin du mois. Ainsi, Tarek Dahab s’accroche toujours à la possibilité d'une éventuelle participation aux Jeux paralympiques. Cela se ferait toutefois vraisemblablement après ceux de Paris, qui débuteront dans moins de 140 jours.

Louis Barbeau espère un dénouement heureux et croit qu'il faut faire la distinction entre un athlète qui triche et une personne comme Tarek Dahab, qui a, selon lui, agi de bonne foi tout au long du processus. La sanction est sévère. Ce n'est pas ma prérogative, mais j'aurais une approche plus nuancée. Il y a une différence entre un compétiteur qui prend des stéroïdes anabolisants, et quelqu'un avec une prescription médicale.

David Pavot ne s’attend pas à un renversement de situation. Je me trompe peut-être, mais je serais très surpris que l’appel soit favorable à l’athlète. Ou alors, peut-être pour une réduction de sentence sur la base de certains motifs. C’est triste, car il est pris dans un engrenage. C’est hyper traumatisant pour lui. C’est son nom qui sort sur la place publique. Il fait ce qu’il peut, il essaie de se défendre. Mais le droit joue contre lui et les règles sont claires.

Il pédale sur la piste.

Tarek Dahab a terminé en 4e place aux mondiaux de cyclisme à Glasgow en 2023.

Photo : Gracieuseté : Cyclisme Canada

Le maintien d’une suspension de quatre ans sonnerait la fin de la carrière sportive de Tarek Dahab.

J’ai 50 ans, je m’entraîne encore, je pense que j’ai de bonnes années devant moi et que je pourrais gagner des médailles, lance l’athlète, découragé. Mais je me suis fait à l’idée. Si on maintient la suspension, je ne reviens pas. J’ai traversé des mois très difficiles. J’ai arrêté la testostérone d’un coup, contre l’avis d’un médecin. J’essaie un autre médicament pour traiter mes maux de tête. J’ai traversé une dépression. Ce serait la fin.

David Pavot espère que des leçons seront tirées de cet imbroglio.

Il devrait y avoir des réprimandes à l’égard des gens qui ont laissé l’athlète seul, dit-il. Des sanctions administratives, ou au moins qu’on réprimande ceux qui l’ont laissé seul. Si j’étais membre du conseil d’administration de la fédération, je questionnerais sérieusement le personnel. Je pense qu’il y a eu des manquements éthiques graves de la part de la fédération.

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